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23/01/2021

Bacri est parti

bacri main 1.jpgJe n'ai pas pu écrire plus tôt, il fallait que j'intègre l'information. Je me rappellerai du moment où j'ai découvert sa disparition, comme on se rappelle dans quelle situation on a appris les événements marquants (surprise en plein sommeil pour entendre "c'est la 3e guerre mondiale !" dans le combiné du téléphone le matin du 11 septembre 2001, un simple sms juste avant le coucher "Trump élu !!!" me faisant penser à une blague le soir des élections américaines en 2016.)

Lundi 18 janvier. J'allume l'ordi, et je lis partout que c'est le blue monday, le jour le plus déprimant de l'année. Haha, n'importe quoi, cette idée vient d'une agence de voyage qui a commandé une étude bidon pour vendre des billets d'avion ! D'ailleurs la preuve que c'est du pipeau, le soleil est enfin sorti, je vais en profiter pour voir mes petits canards au parc et passer un coup de fil, d'humeur à discuter avec mes congénères. Je marche d'un bon pas, en plein débat sur les meilleures tablettes de chocolat, lorsque mon interlocuteur est interrompu : "Attends, on me parle... (dialogue avec l'autre personne que je n'entends pas) Nan ?! mince...."
Qu'est-ce qui peut bien exiger qu'on interrompe un sujet aussi passionnant que le chocolat à 85 %...
Mon interlocuteur reprend le combiné :  "Bacri est mort !
Je m'arrête net  : - HEIN ?!!!!!
J'ai dû crier fort car le couple de canards qui s'était rapproché (on se connaît bien à force, avec Donald et Daisy) s'éloigne d'un battement d'ailes, et les autres promeneurs se retournent simultanément vers moi.
Je reste figée au milieu du chemin, les yeux exorbités par la stupeur : MAIS COMMENT CA ???!!!
J'écoute les explications (69 ans... cancer...) en me liquéfiant sur place, sans pouvoir parler.
Les gens alentour qui observent la scène semblent interloqués, puis peinés. Je dois vraiment faire une drôle de tête. Une femme me regarde pleine de compassion, avec la moue qui signifie qu'on est désolé. Ils comprennent que j'ai appris une mauvaise nouvelle, sûrement la pire de toute, l'irrémédiable : le décès d'un proche.

bacri main.jpgUn proche, on pense à un membre de la famille, un ami. Mais pourquoi on ne compterait pas aussi un artiste, qui nous a accompagné tout au long de notre vie, qui nous a procuré tant d'émotions et de souvenirs inoubliables ? Je voyais plus souvent Bacri à travers mon écran qu'un oncle ou un cousin. Surtout en ces temps de pandémie et d'isolement où le cinéma devient un refuge. Je m'amusais plus avec Bacri, je le comprenais plus, je m'identifiais plus à lui qu'à certains  membres de ma famille. 

J'ai réalisé qu'on était nombreux à se sentir proche de l'artiste, en découvrant les multiples hommages, et en constatant ce soir-là que le JT de France 2 s'ouvre sur son décès. Non, je ne peux pas employer ce mot, plutôt sa disparition momentanée avant sa résurrection.
Cet article de France culture tente d'expliquer "pourquoi aimions-nous tant Jean-Pierre Bacri ?"
"Ce matin, il est populaire partout (...) du Figaro à L’Humanité. Parce que le type qu'il incarnait -le bougon, le râleur- est probablement l’un des personnages les plus chers au cœur des Français. Et c’est à ce détail que l’on comprend que les Français ne sont pas américains, ils ne sont pas positifs. L’idée de voir les choses embellies, en grand, en super, très peu pour eux ! Ils veulent du ronchon, du râle (...)
Le bonheur, c’est pour les imbéciles. (...) 
Il y a quelque chose qui explique pourquoi ce ronchon est immensément aimé, parce que la râlerie en France a des vertus intégratrices. Celui qui gagne et s’intègre, c’est celui qui n’est pas content, qui refuse le système et le monde tel qu’il est organisé."

Dans Cuisines et dépendances qu'il a écrit avec sa compagne Agnès Jaoui, on lui demande :
- Pourquoi tu tires la gueule et tu souris jamais ?
- Je suis un être humain, pas un animateur de variété. Y a qu'à la télévision qu'on voit des gens éclater de rire à longueur de temps comme des crétins."

Si j'avais la chance de partager son talent de la répartie (vous pouvez entendre un court exemple en interview ici) c'est ce que je répondrais aux collègues qui me reprochent de ne pas assez sourire, ou de refuser la bise (enfin une bonne conséquence de la pandémie : l'arrêt de cette atrocité qu'est ce partage de microbes et cette intrusion dans mon espace vital). Assise à mon bureau, plongée dans mes pensées, je me tiens comme le fait souvent Bacri : la tête posée sur la main, sourcils froncés. (En ce moment, en me relisant). On me tance pour cette posture, mais si Bacri se tient pareil et est adulé, mes collègues m'adoreraient-ils en réalité ?

Les gens qui sourient tout le temps m'insupportent, je trouve ça louche.  Soit ils sont imbéciles heureux, soit ils sont hypocrites, soit ils meurent de peur et sourient pour désamorcer une éventuelle attaque (ce qui donne encore plus envie de les mordre). 
« Les gens qui sont toujours joyeux, je n'ai pas envie de les jouer, parce que ça n'existe pas… J'ai de la tendresse surtout pour les gens chez qui je vois de l'humanité et c'est souvent dans l'angoisse ou dans la fragilité qu'on la voit

bacri main 2.jpgOn caractérise en premier lieu Bacri de "bougon, râleur, ronchon." mais pour moi qui suis un peu pareille, il était avant tout authentique. Il n'employait pas la langue de bois que les hypocrites appellent "l'intelligence sociale", il ne se forçait pas à faire semblant d'être content s'il ne l'était pas. "Son non besoin de séduire et de plaire" comme explique Agnès Jaoui et qu'il confirme ici. "Je me fiche que l'on me trouve bougon, sourire n'est pas un acte banal."
Pour moi qui m'identifie à lui, Bacri n'était pas un râleur. C'était un grand sensible qui détestait l'hypocrisie et l'injustice (comme le pensent d'ailleurs les intervenants de cette émission sur l'hypersensibilité).
Quelqu'un qui critique tout, on peut le juger misanthrope, mais selon moi, c'est plutôt qu'il voudrait simplement que la condition humaine s'améliore, donc qui souffre de voir les gens subir tant de déboires ou créer leur propre malheur. Comme Alceste dans la pièce de Molière, un de mes livres préférés.

Bacri n'était pas un râleur, il était simplement sincère et humain, à s'indigner d'un rien, mais aussi à s'émouvoir. Il le prouve particulièrement dans Le goût des autres, où il interprète un brave type un peu beauf, pas très cultivé, qui se retrouve contraint d'aller au théâtre. Il pense s'ennuyer, s'agace en découvrant que la pièce est en vers, mais se retrouve subjugué par une actrice qui déclame brillamment la tirade de la femme quittée. Le gros plan sur Bacri touché par la grâce, submergé par l'émotion, est bouleversant. Comme il l'est plus tard, à déprimer en silence sur son banc, dos voûté, quand son poème où il déclare maladroitement sa flamme n'a pas obtenu le résultat escompté. On connaît surtout Bacri pour ses répliques fameuses, mais il était si bon acteur que les émotions jaillissaient également à travers ses silences.

Bacri qui était un être sincère, au franc parler légendaire, a pourtant choisi le métier d'acteur, de jouer à faire semblant d'être un autre, dire des mots et mimer des attitudes qu'il ne pense pas. Pourtant, dans tous ses rôles, même beauf, inculte ou méchant, sa personnalité transparaissait. D'abord parce qu'il a écrit la plupart de ses personnages les plus célèbres, ensuite car il a admis ne choisir que des films qui lui plaisaient "Si je dois me faire chier trois mois à tourner, puis ensuite trois mois à promouvoir une merde dont je suis pas fier...  c'est pénible, c'est pas pour ça que je fais ce métier." 

Il choisit si bien ses personnages, que j'apprécie la grande majorité de ses films. Même les moins marquants, il les a éclairés de sa personnalité.
à suivre...

18/01/2021

Bilan "je suis culturée" semaine 2

littérature,titanic,cinéma,cinéma françaisVu le succès phénoménal du premier bilan (un seul commentaire, aucun like) je continue mon journal intime. Vous pouvez lire le premier bilan ici :

7 FILMS :

D'après une histoire vraie :
Coup de coeur :
- Les éblouis de Sarah Suco, 2019
Les souvenirs d'enfance de la réalisatrice, enrôlée dans une secte avec sa famille.
Bien :

- Undercover de Yann Demange, 2018
Sur un enfant de 15 ans informateur pour le FBI, infiltré dans un trafic de drogue.

Fantastique
Bien :
- The room
de Christian Volckman, 2019
quelques minutes.jpg- Quelques minutes après minuit de Juan Antonio Bayona, 2016
Pas mal : 
- La dernière vie de Simon de Léo Karmann, 2019 

Bons souvenirs déjà vus :
- Au milieu coule une rivière de Robert Redford, 1992
- Master and commander de Peter Weir, 2003

7 DOCUMENTAIRES :

Titanic :
Après Titanic, la dernière preuve la semaine dernière, j'ai eu envie de revoir ces bons documentaires que je connaissais déjà, disponibles sur youtube:
- Titanic, la véritable histoire de Philippe Torreton
- Les fantômes du Titanic de James Cameron

Les sectes :
 Titanic_la_veritable_histoire.jpgLes éblouis m'a replongé dans les documentaires sur les sectes. Comme le sujet m'intéresse, je connais déjà les mécanismes d'enrôlement et d'emprise, mais je ne peux pas m'empêcher de penser en écoutant les témoignages hallucinants : "comment ils ont pu aller si loin ?!" :
- Waco, une secte assiégée, Planète
- Sous emprise, Planète
Florence et le mandarom
Amoreena et les enfants de dieu

Les ovnis :
- Roswell, le denier témoin x2 épisodes, Planète
Après le doc sur les dossiers déclassifiés peu convaincant, j'ai persisté, mais celui-ci comporte les mêmes défauts.

2 LIVRES :
Pas mal :
- Vies écrites de Javier Marias
Biographies d'écrivains célèbres, sous des angles originaux et méconnus. 
- Chaque jour est une fête Le Voutch

1 SERIE :
Pas mal :
- Designated survivor, saison 1, Netflix

 

13/01/2021

Selfie, de l'influence du numérique sur les honnêtes gens

selfie.jpgLe sujet me rappelle l'essai brillant, limpide, à lire absolument, de Marie-France Hirigoyen (la spécialiste du harcèlement, j'adore ses livres) : les Narcisse, ils ont pris le pouvoir. J'ai choisi ce film pour son sujet qui me parle énormément, et parce que c'est une comédie avec des acteurs que j'apprécie : Sébastien Chassagne, anti-héros de l'excellent Irresponsable, et Fanny Sidney, Camille dans 10 %.  Heureusement que je ne me suis pas fiée à l'avis des critiques, plutôt péjoratif. Le film est pourtant drôle, visionnaire, corrosif. Selfie est pour moi une sorte de Black mirror comique. Je ne vois qu'une explication aux mauvaises notes : il y a que la vérité qui fâche ? Certains critiques trop narcissiques n'ont aucune dérision ? Voir les teasers des sketchs en lien : 

Le premier sketch est à l'image de son actrice principale : grinçant. Blanche Gardin et celui qui incarne son mari mettent en scène sur leur chaîne Youtube "le combat" de leur enfant contre une maladie orpheline. Grâce aux succès de leurs vidéos, ils reçoivent de nombreux cadeaux prestigieux. Une dénonciation acerbe de l'hypocrisie et de la course aux like sur les réseaux de ceux qui exposent leur vie sans aucune décence. Les expressions à la mode agaçantes sont reprises : "c'est une belle personne" "il est dans nos coeurs" "eco friendly" etc... 

Le deuxième sketch, mon préféré, est réalisé par Marc Fitoussi, dont j'ai beaucoup apprécié Pauline détective et Copacabana. On retrouve son humour foldingue et son goût pour les personnages féminins extravagants, à travers Elsa Zylberstein, qui incarne ici avec brio une prof de lettres romanesque et démodée. Celle-ci ne sait même pas se servir d'internet, ses élèves se moquent d'elles sur les réseaux. Lorsque le gouvernement impose un passage au numérique aux enseignants, la prof découvre Twitter. Quand la star youtubeuse (Max Boublil) adorée par ses lycéens passe à la télé, l'enseignante commente sur Twitter sa syntaxe déplorable. Commence alors une relation épistolaire sur le réseau social, entre cette enseignante romancière frustrée et ce jeune inculte....

Autre problème dû au numérique, Manu Payet commande sur internet tout ce que l'algorithme d'un site d'achat lui propose, persuadé qu'il connaît ses désirs mieux que lui. Ce serait probable, à en croire par exemple Comment Trump a manipulé l'Amérique. Ce documentaire révèle que "sur Facebook, avec 10 likes, l'algorithme vous connaît mieux que vos collègues. Avec 100, mieux que votre famille, et 230, mieux que votre conjoint".... 

Les algorithmes sont aussi le sujet d'un sketch sur les sites de rencontre : on ne peut matcher qu'avec les gens qui possèdent la même note que nous, chaque rencontre est orientée. Comme le dénonce Judith Duportail dans son livre l'amour sous algorithme. Elle révèle que les sites de rencontre ne proposent pas à un homme une compagne plus diplômée que lui, ou plus âgée. Pour obtenir une note équivalente à un homme, une femme doit avoir 10 ans de moins que lui, et gagner moins d'argent. A l'inverse, un homme qui a 10 ans de moins que la femme, et gagne moins d'argent qu'elle, sera moins bien notée qu'elle. Comme le commente l'écrivaine : "un homme riche avec une jeunette, mais pas de réciprocité : c'est le modèle patriarcal des relations hétérosexuelles".

Dans le dernier sketch, Smileaks, le plus black mirroresque, le plus effrayant, le piratage d'un réseau social révèle au grand jour tous les messages échangés par les utilisateurs.... Les masques tombent et chacun découvre ce que ses amis et collègues disent de lui derrière son dos, ou les véritables activités de son conjoint...

En résumé, je vous conseille Selfie, en ce moment sur Canal+. Une comédie qui a parfaitement capté l'air du temps !

12/01/2021

La belle époque

belle epoque.jpgVictor (Daniel Auteuil) ne comprend plus le monde actuel. Lorsque sa femme (Fanny Ardant) le quitte, il fait appel à une entreprise qui permet à ses clients de revivre l'époque qu'ils souhaitent, à travers des comédiens et décors spécialement recrées pour eux. Victor choisit de retourner un soir des années 70, où il a rencontré le grand amour....
Un film original, nostalgique, émouvant et drôle, mais à l'image de son réalisateur Nicolas Bedos : ultra narcissique, englué dans son microcosme bourgeois, souvent vulgaire. Quel outrage de voir la si distinguée Fanny Ardant prononcer des insultes très crues par exemple...

Le prix élevé des reconstitutions est souvent évoqué, sans jamais être détaillé. On sait juste que Victor emprunte à son fils : "ça remboursera toutes les vacances que je t'ai payées" (mais le gosse partait où ? Aux Maldives ? Parce que ma mère m'envoyait chez ma grand-mère à la cambrousse à 1 h de Lyon, ça coûtait juste 30 francs de billets de train...) Le pire, pour financer sa nouvelle lubie, le héros doit revendre un de ses apparts sur la côte d'azur !  Juste le décor d'une seule soirée coûte 35 000 euros ! Mais combien coûte toute la prestation alors ? ça fait cher la soirée de souvenirs ! qui aurait les moyens de se payer ça ? Bedos vit clairement dans un autre monde... 

bedos-tillier.jpgLe plus embarrassant dans le film est l'histoire "d'amour" entre le réalisateur (Guillaume Canet) et sa comédienne, incarnée par Doria Tillier, qui n'est autre que la compagne de Nicolas Bedos. Il semble évident que Bedos met en scène leur propre histoire, et cet exhibitionnisme malsain est très gênant. Tillier roule de grosses pelles à Canet, se retrouve à poil sur lui dans un lit à de nombreuses reprises, et c'est son mec qui filme ça ! Bedos fantasme sur le proxénétisme, sur le ménage à 3, sur Guillaume Canet ? Il pense sans doute qu'il présente une folle histoire de passion, comme il étale leur relation dans les médias (on se rappelle de l'époque où Doria Tillier lavait son linge sale en direct sur Canal, faisant référence au livre de Bedos qui parlait d'elle comme d'une simple amie : "je ne savais pas qu'on suçait les potes !")

Non, La belle époque ne retrace pas un amour passionnel, mais juste une sombre histoire de jalousie et de tromperies. Le couple passe son temps à se disputer violemment, à se séparer, pour se réconcilier sous la couette (et encore sous la couette... ils s'engueulent et s'embrassent fougueusement en public, que voulez-vous, c'est la passion incontrôlable qui veut ça ! Non : l'exhibitionnisme.) Canet/Bedos trompe sans vergogne sa compagne, mais c'est lui qui se permet de faire des crises de jalousie, persuadé que sa copine couche avec Auteuil, qui pourrait être son père. Canet a le droit de se taper ses employées, mais l'inverse n'est pas autorisé ! (Normal, c'est un artiste tourmenté, et toutes les filles sont folles de lui, il fait preuve d'acte de bonté en couchant avec !)  Il se fait pardonner par de grandes déclarations d'amour. Je vérifie sur le net, aux dernières nouvelles, Bedos et Tillier se seraient enfin séparés. 

Le film est censé se concentrer sur le personnage d'Auteuil, sur la nostalgie d'une époque et d'un amour perdu, et ces thèmes sont bien traités. Malheureusement, ils passent au second plan, car le narcissisme de Bedos et son couple sordide prennent le dessus. Je n'ai toujours pas trouvé le courage de regarder son autre film, monsieur et madame Adelman, car la mise en scène impudique de leur relation glauque m'exaspère.
Heureusement que Daniel Auteuil, toujours mesuré et sympathique, apporte un peu de douceur et de romantisme à La belle époque. La reconstitution et l'aspect mélancolique m'ont plu, même si les rebondissements et le dénouement sont un peu trop alambiqués.